En entrant en Iran, on découvre un pays qui a marqué fortement l’Histoire avec un grand H, avec des dynasties qui ont parfois représenté jusqu’à la moitié de la population mondiale! Et pourtant, on arrive ici totalement inculte (ou presque) car cette partie du globe est très peu abordée dans nos livres d’histoire.

Pour bien comprendre les sites que l’on visite, il faut passer par un petit rattrapage sur l’histoire de l’Iran. Tout au moins, découvrir les grandes dynasties qui ont marqué l’histoire du pays. A chacune, j’associe une ville où ils ont laissé leur empreinte (souvent leur capitale) et une religion. Cela facilite un peu la lecture quand on visite une ville: il « suffit » de connaître la dynastie associée pour repérer ses monuments dans le temps.

Déjà, une petite précision sur les termes Perse et Iran: on peut considérer que ces 2 mots désignent le même peuple, l’Iran désignant officiellement la Perse depuis 1935. Précision supplémentaire : ne pas confondre les Perses et les Arabes!! Les Perses sont originaires de la région alors que les Arabes ont envahi la Perse au VIIème siècle (cf ci-dessous).

Elamites et Mèdes : les premiers peuples Perses

L’Iran est un pays millénaire : les premières traces de civilisation remontent à 3000 avant JC, avec les Elamites, qui ont régné pendant très longtemps sur l’ouest de l’Iran. Leur capitale, Suse, tout comme leur règne, seront détruits par les babyloniens (~l’Irak actuel) au XIIème siècle avant JC. Leur religion était liée à différentes divinités.

Les Mèdes, peuple venant du nord, arrivent en Iran vers cette période, et établissent leur capitale à Hamedan. Ils vont régner sur tout le nord de l’Iran jusqu’au VIème siècle avant JC. 

Achéménides : 1ère dynastie Perse

Installé au sud de l’Iran au VIIème siècle avant JC, le roi Achéménès créé un état à son nom qui va s’étendre – notamment sous Cyrus le grand – du Pakistan jusqu’au Danube, et de l’Egypte jusqu’au sud du Kazakhstan. Tous ces territoires conquis sont divisés en 28 satrapes, dirigés à partir de la ville phare Persepolis construite par Darius Ier, petit-fils de Cyrus le grand. On notera que de nombreux caravansérails sont construits tout au long de l’empire pour favoriser le commerce via les routes de la soie. La fin de cette dynastie Achéménide sera l’oeuvre d’Alexandre le Grand qui, en 330 avant JC brûlera totalement Persepolis (apparemment, une vengeance d’Alexandre suite à la destruction d’Athènes par un roi Achéménide quelques décennies plus tôt).

Les Achéménides avaient comme religion le zooroastrisme, religion monothéiste née en Iran qui tire son nom de son prophète Zarathoustra. Leur Dieu s’appelle Ahura Mazda, créateur du ciel et de la terre. On retrouve souvent au dessus des tombeaux Achéménides le symbole d’un Fravashi, représentant à la fois l’ange gardien d’une personne et le Dieu Ahura Mazda.

A la suite de la disparition de l’empire Achéménide, le territoire de l’Iran devient à son tour une province pour d’autres empires: Macédoniens d’abord jusqu’au IIème siècle avant JC, puis Parthes jusqu’au IIIème siècle après JC.

Sassanides : 2ème dynastie Perse

Depuis une province située au centre de l’Iran, Ardashir Ier va déloger les Parthes et fonder un nouvel empire Perse qui s’étendra lui aussi très largement puisqu’il reprendra partiellement les mêmes frontières que la dynastie Achéménide. A l’époque, le fait le plus notable est l’emprisonnement de l’empereur romain Valerien en 260 après JC par Shapur Ier, victoire que l’on retrouve gravée sur de nombreux bas-reliefs dans l’ancienne cité de Bishapour. La dynastie Sassanide disparaît après 4 siècles de règne en 651, sous les attaques arabes.

Le zooroastrisme connaît sa période de gloire durant les Sassanides puisqu’il devient une religion d’État. Tenant pour sacrés les 4 éléments (eau, terre, air et feu), les morts sont offerts aux vautours dans des « tours du silence » pour éviter de polluer ces éléments lors de crémations ou d’enterrements. Même si, en pratique, cela n’est pas toujours appliqué puisque les empereurs seront souvent enterrés dans des tombeaux…

C’est sous la dynastie Sassanide que de nombreux temples de feu (lieu de culte zooroastre) sont construits avec une architecture complexe qui sera reprise ensuite pour les mosquées musulmanes: un dôme rond sur une base carrée.

Période sans dynastie Perse

Les Arabes envahissent rapidement la Perse et imposent à leur tour une religion récente : l’Islam (Mahomet est mort en 632). Les Perses sont dirigés alors depuis Damas, Bagdad ou Boukhara selon la dynastie dominante de la région, jusqu’à l’arrivée des Seldjoukides de Turquie au XIème siècle qui régneront plus ou moins sur la Perse depuis Ispahan. 

Côté religion, on retiendra la séparation après la mort de Mahomet entre musulmans Sunnites et musulmans Chiites. Les premiers, partisans d’Abou Bakr fidèle de Mahomet, au nom d’un retour aux traditions tribales. Les seconds, partisans d’Ali, gendre du prophète (qui n’avait pas d’héritier mâle) au nom des liens du sang.

Puis les Mongols, avec Gengis Khan, arrivent en Iran au début du XIIIème siècle et, comme ils l’ont déjà fait en Asie Centrale, rasent de nombreuses villes. C’est ensuite au tour de Tamerlan, le turco-mongols (cf nos articles en Ouzbékistan et notamment à Samarcande) de déferler en Perse au XIVème siècle et d’insuffler sa passion pour les arts.

Safavides : 3ème dynastie Perse

Il aura fallu attendre pratiquement 1000 ans pour qu’une nouvelle dynastie émerge en Perse, avec le Shah Ismaïl au XVIème siècle. Il installe sa confrérie chiite Safavide au pouvoir en reprenant aux timourides (les descendants de Tamerlan) les terres de l’actuel Iran. Une fois le pays apaisé, Shah Abbas Ier installe sa capitale à Ispahan en 1598 qu’il transformera totalement en y construisant de nombreux monuments, où l’art persan s’exprime dans toute sa splendeur. L’art de la mosaïque culmine sous les Safavides, telle la mosquée du Cheikh Lotfollah à Isapahan. A la mort de Shah Abbas Ier, l’empire déclinera progressivement jusqu’à la prise d’Ispahan par les Afghans en 1722.

Leur religion officielle fut évidemment le chiisme, ce qui ne fit qu’accentuer les animosités avec leurs voisins Ouzbeks et Ottomans, sunnites tous les 2.

La dynastie Qadjar

S’ensuit plusieurs régents jusqu’à l’arrivée d’un chef Turkmène d’une tribu Qadjar, Agha Mohammad Khan. Il pris le pouvoir en faisant assassiner et crever les yeux du dernier Shah en 1794 (il avait fait de même quelques mois plus tôt avec tous les habitants mâles de la ville de Kerman, soit une pile de 20 000 globes oculaires…). Il installe sa capitale à Téhéran, petite ville de 15 000 habitants. C’est sous cette dynastie que la ville va recevoir ses monuments d’importance – palais, mosquées, … – et grandir pour atteindre 250 000 habitants à la fin de la dynastie, en 1921, prise dans les jeux de pouvoir entre Britanniques et Russes.

Pas de religion d’État durant cette dynastie, mais un clergé chiite tout puissant qui est à la tête de diverses révoltes. Il faut dire que les Qadjars vivent dans une telle opulence qu’ils sont obligés de vendre des biens du pays aux puissances étrangères. Leur exubérance cache une qualité artistique plutôt médiocre comparée aux dynasties perses précédentes.

La dynastie Pahlavi

C’est avec l’aide des Britanniques, pour contraindre l’influence croissante des Russes sur les Qadjars, que la dynastie des Pahlavi arrive au pouvoir en 1921. Tout en restant sous influence britannique et américaine, elle prendra des mesures pour moderniser le pays. Ce qui sera bienvenu pour de nombreux iraniens sera aussi difficilement acceptable pour la frange rurale et conservatrice du pays. La dynastie tombera lors de la révolution de 1979, qui amènera des millions de personnes dans les rues, lassés de l’opulence du mode de vie des Pahlavi dans leurs palais nouvellement construits au nord de Téhéran.

Évidemment, pas de religion d’État pour une dynastie qui prône l’émancipation de la femme.

La République Islamique

Laïcs et religieux marchaient main dans la main aux premières heures de la révolution, mais celle-ci sera accaparée par l’ayatollah Khomeiny dès son retour au pays pour faire de l’Iran une théocratie fidèle à l’Islam. Depuis lors, le guide suprême décide de tout et choisit ce qui est bon ou non en fonction de la religion, même s’il existe un pouvoir « délégué » représenté par le président de la République, élu par le peuple.

Petite chrono

En version simplifiée.


Catégories : Iran

12 commentaires

Guy ANGEE · 12 décembre 2019 à 20:30

cours magistral d’histoire ! pffuu quel boulot 🙂 bravo et merci 🙂

    Philippe · 17 décembre 2019 à 12:46

    Merci Guy! On aime tellement l’Iran qu’on voulait s’imprégner de leur culture.

Mel · 13 décembre 2019 à 09:24

Une réorientation en professeur(e) est-elle envisagée ? 😉

    Philippe · 17 décembre 2019 à 12:48

    Peut-être en professeur itinérant…… 🙂

Soria · 13 décembre 2019 à 11:03

Bravo. Merci pour cette rétrospective très intéressante.

    Philippe · 17 décembre 2019 à 12:38

    Mamnoun! 🙂

Patrick · 13 décembre 2019 à 23:10

Ah ben dis donc ça se fend la gueule dans le bus-camping, vous en êtes à réviser les Mèdes. J’avais jamais vu ce mot ailleurs que dans Astérix. Moi qui trouvait que les soirées étaient longues en cette saison, je me rendais pas compte de ma chance d’avoir de la cervoise à disposition au troquet en bas! C’est quand que vous passez la frontière? 😉

    Philippe · 17 décembre 2019 à 12:33

    On a le temps pour ça ;-). Sinon, tu diras à Uderzo qu’il a mal dessiné les Mèdes, car normalement on les reconnait à leur chapeau arrondi! 🙂
    On avance doucement en Iran et on pense passer la frontière vers la fin de l’année: on devrait être en Iran pour noël et en Turquie pour le nouvel an!
    On devrait donc pouvoir « trinquer » avec toi dans quelques jours, dès qu’on sera en Turquie!!
    Bises à toi et à Cécile!

Cecile M · 16 décembre 2019 à 21:25

Je comprends mieux pourquoi les clients redemandent du Philippe : le fond et la forme, tout y est 😉

    Philippe · 17 décembre 2019 à 11:52

    Merci Cécile! Que de compliments, ça me touche beaucoup!

zenotaipos · 4 avril 2023 à 18:39

Les Perses aussi venaient du nord pas juste les Mèdes, les deux peuples étaient d’ailleurs très proches.
Et même si la distinction légère, c’est les Assyriens qui ont définitivement détruit l’Elam: bien qu’ils aient été conquis (puis libérés) plusieurs fois avant dans l’Histoire, ils existaient encore vers – 600 quand les Assyriens ont envahis. Cette fois la culture n’a jamais réémergé probablement car les Perses vont s’installer peu de temps après.

Noël et dernière étape iranienne - Sur le tapis du vent · 28 décembre 2019 à 17:19

[…] pas ceux là hein?! (dynastie turque apparue en Perse entre les sassanides et les safavides – rappel vers les dynasties perses). On arrive vers 15h30 il est déjà […]

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